HDA Créteil

[éducation musicale] À la découverte de l’abstraction

18 / 01 / 2011 | Anne-Zoé RILLON
Dialogue entre trois disciplines autour d’une notion essentielle de l’Histoire des arts

Matières concernées : éducation musicale, arts plastiques, français

Niveau : classe de troisième

Période historique : début du XXe siècle

Thématique :
7. Les arts entre liberté et propagande (1910-1945)
Objet d’étude :
De l’autonomie des formes et des couleurs à la naissance de l’abstraction.

Objectifs :
 Définir le concept d’abstraction dans les arts plastiques, la musique et la littérature.
 Intéresser les élèves à des œuvres difficiles mais pourtant capitales dans l’évolution des arts au XXe siècle.
 Définir la modernité : prendre conscience de l’importance des années 1910-1920, le passage au « XXe siècle artistique ».

Durée de la séquence : 3 heures (une dans chacune des matières), avec prolongations possibles. Dans l’idéal, ces séances se déroulent dans un temps rapproché. L’ordre présenté ici n’est qu’une proposition.

La première séance est confiée à l’enseignant en éducation musicale.

1) La découverte de trois tableaux marquants du début du XXe siècle

Kasimir Malevitch, Suprématisme (1915)

Suprématisme, Kasimir Malevitch
1915, huile sur toile, 101,5 x 62, Stedelijk Museum, Amsterdam.

Wassili Kandinsky, Komposition VIII (1923)

Komposition VIII, Wassili Kandinsky
1923, huile sur toile, 140 x 201 cm, Guggenheim Museum, New York.

Francis Picabia, Edtaonisl (ecclésiastique) (1913)

Edtaonisl (ecclésiastique), Francis Picabia
1913, huile sur toile, 300 x 301, Art Institute of Chicago.

 Les élèves sont amenés à les décrire successivement : les formes, les lignes, les couleurs.
 Par la comparaison, les élèves trouvent des points communs : la présence d’un fond blanc (vide), la présence de cercles et de courbes, l’utilisation des couleurs primaires.
 Les élèves observent les différents contrastes entre le noir et le blanc, les couleurs vives et sombres, les courbes et les lignes, le vide et le plein.

2) Les élèves sont ensuite amenés à commenter les titres donnés par les artistes à leurs œuvres. Le professeur complète en apportant ses connaissances.
 Le titre donné par Kandinsky, Komposition VIII, indique bien l’absence de volonté figurative. Il a donné ce titre à une douzaine de ses tableaux dont le travail est une recherche d’équilibre entre les formes. La composition d’un tableau désigne la recherche d’une harmonie qui ne se fait ici que par les formes géométriques simples.
 Suprématisme de Malevitch (qui donne son nom au mouvement pictural russe dont il est l’origine) exprime une recherche de la perfection pure, « suprême », qui n’est accessible que par les formes simples et des couleurs pures.
 Le titre de Francis Picabia est délibérément énigmatique. Edtaonisl est à la fois incompréhensible et presque imprononçable (il semble s’agir en réalité d’un mélange entre les mots « étoile » et « danse », sans le « e » final). En ajoutant (ecclésiastique), l’artiste semble donner une piste, mais elle ne mène nulle part. Il est totalement vain de chercher la représentation d’un homme dans ces formes entrelacées. Picabia qui a participé au mouvement Dada est un grand amateur de jeux de mots et de constructions absurdes.

Synthèse : Ces trois titres expriment, chacun à leur manière, une idée chère à ces trois artistes :
leur peinture ne cherche pas à représenter un sujet, un objet ou un paysage mais à jouer avec des formes dénuées de sens.
Dans les premières décennies du XXe siècle, cette attitude est avant-gardiste et l’art prend un tournant décisif, celui de l’ART ABSTRAIT.

3) Les élèves écoutent ensuite la deuxième des Cinq pièces pour orchestre,opus 10 d’Anton Webern (1913).
La consigne donnée avant l’écoute est de trouver à quelle peinture, cette œuvre musicale peut le mieux correspondre.

Anton Webern, 5 pièces pour orchestre, n°2
1913
Philharmonia Orchestra (dir. R. Craft)
Naxos (2009)

Les propositions apportées par les élèves seront certainement diverses. Certains évoqueront l’éclatement des formes de Kandinsky, d’autres la géométrie de Malevitch ou encore l’imbrication des lignes de Picabia.
En justifiant leurs impressions, les élèves seront certainement amenés à réutiliser le vocabulaire pictural utilisé juste avant pour la description des œuvres. On pourra ainsi définir les nombreux contrastes sonores qui caractérisent cette composition musicale : les nuances extrêmes, l’utilisation de sons très graves ou très aigus et le passage rapide de l’un à l’autre ; la présence de rythmes très rapides (on parle de « traits » instrumentaux) qui s’opposent à des notes tenues. Les différences entre les sons des instruments (21 instruments solistes) permettent d’approcher le concept de Klangfarbenmelodie, mélodie de timbres, où les différences de sons instrumentaux se substituent à la construction mélodique.

Les impressions négatives des élèves à l’égard de cette musique difficile à écouter doivent servir à construire la notion d’abstraction musicale. Quels sont les éléments sonores qui leur semblent désagréables ? Les dissonances, les contrastes violents et surtout l’absence de mélodie sont les éléments facilement identifiables de cette révolution du langage musical.

Synthèse : Cette œuvre musicale est contemporaine des premières peintures abstraites : les années 1910-1920. Peintres et musiciens sont à la recherche d’un langage nouveau, pour lutter contre l’essoufflement des modes d’expression traditionnels (la figuration pour la peinture, la mélodie et la tonalité pour la musique). Ils cherchent à rompre les codes esthétiques, ce que l’on considérait comme beau, en utilisant les formes ou des sons purs.

La séance peut également se terminer par l’écoute complète des cinq pièces de Webern, dont la durée n’excède pas cinq minutes.
La main passe ensuite au professeur d’arts plastiques qui peut faire travailler ses élèves en musique.

 

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